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Communication Palestine contre Israel: étape relative à l’admissibilité franchie | Nicolas Boeglin

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Le 23 avril 2018, la Palestine, en tant qu´Etat Partie à la Convention internationale sur l´élimination de toutes les formes de discrimination raciale (voir le  texte en Français, plus connue par ses sigles en anglais CERD), a déposé une communication contre Israël aux membres du Comité CERD : voir le texte (en Anglais) de la communication de la Palestine dans son intégralité.

Rappelons que cette convention est un traité multilatéral des Nations Unies adopté en 1966, et qui est entré en vigueur assez rapidement, en 1969. Le respect de l’application des dispositions par les Etats est de la responsabilité de l´organe créé à cet effet : le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (Comité CERD) qui compte 18 experts siégeant à titre individuel (voir composition actuelle).

Le 20 mai 2021, les membres du Comité CERD ont adopté une décision donnant suite  à la demande de la Palestine : un texte qui semble, tout du moins pour le moment, intéresser peu de spécialistes et de sites d’information en matière de droits de l´homme et de discrimination.

Bref rappel sur les mécanismes prévus dans le cadre de la CERD

Ces deux Etats ont ratifié cette convention des droits de l´homme (Israël en 1979, la Palestine en 2014) qui compte 182 Etats Parties à l’heure actuelle (voir état officiel des signatures et des ratifications).

Les articles 11 et 12 de la convention précisent les différentes étapes prévues concernant les communications d´un Etat contre un autre.

Aucun des autres Etats Parties n´a contesté, en 2014, le fait que la Palestine devienne Etat Partie à cet instrument international: la liste des déclarations et objections qui figurent au bas de l´état officiel des signatures et ratifications n´en mentionne aucune en ce sens. Concernant ce dernier point, on pourra s´interroger sur la cohérence de la position de certains Etats : en effet, un seul Etat Partie au Statut de Rome (et à la CERD), le Canada, a déclaré que la Palestine n´était pas un Etat lorsque celle-ci a ratifié en 2015 le traité multilatéral qui crée la Cour Pénale Internationale (CPI) (Note 1), accompagné en 2016 par quelques autres (Allemagne, Pays-Bas et Royaume Uni) qui font référence au terme «consistent» alors qu´ils n´ont rien manifesté sur le sujet en 2015 (voir déclaration conjointe en Annexe II, page 6).

Or, un Etat qui est considéré comme tel par les autres Etats et qui ne l´est plus en fonction des instruments internationaux qu´il ratifie, pose assurément une question difficile à trancher, tout du moins du point de vue juridique.

Dans cet article concernant le silence de certains Etats Parties, on y lit que:

«For the silent States that do not recognize Palestine as a State, it is not the same. Nevertheless, their silence means acquiescence of the accession, especially in the light of express objections voiced by a few States. As a result of their acquiescence, between these silent States and Palestine, the rights and obligations under the treaty in question are fully established. The acquiescence of the Palestinian accession by other States does not imply a recognition by these States, but these States and Palestine are now bound by the same multilateral treaty» (Note 2).

La décision du Comité CERD en bref

Dans sa décision rendue le 20 mai 2021 (voir texte complet en Anglais), le Comité CERD rejette l´allégation d´Israël selon laquelle les voies de recours internes – qui seraient ouvertes aux Palestiniens – n´ont pas été épuisées.  On lit en effet que, pour les membres du Comité du CERD, l ́épuisement des voies de recours internes n’est pas nécessaire dans le cas présent :

«63. Against this background, the Committee considers that the allegations of the applicant refer to measures undertaken as part of a policy ordered and coordinated at the highest levels of government, which may amount to a generalized policy and practice on a range of substantive issues under the Convention. The Committee considers that exhaustion of   domestic remedies is not a requirement where a “generalized policy and practice” has been authorized. In line with the jurisprudence of regional human rights commissions and courts, the Committee considers, however, that it is not sufficient that the existence of such a generalized policy and practice is merely alleged but that prima facie evidence of such a practice must be established.

64. In this context, the Committee recalls the concerns expressed in its Concluding observations on Israel under article 9 of the Convention with regard to “the maintenance of several laws which discriminate against Arab citizens of Israel and Palestinians in the Occupied Palestinian Territory, and create differences among them, as regards their civil status, legal protection, access to social and economic benefits, or right to land and property.” The Committee furthermore expressed concerns about “the lack of detailed information on racial discrimination complaints filed with the national courts and other relevant Israeli institutions, as well as on investigations, prosecutions, convictions, sanctions, and on the reparations provided to victims” and that “people belonging to minority groups, including Palestinians, “may face obstacles in accessing justice while seeking remedies for cases of discrimination”. Furthermore, the Committee expressed concerns regarding the continuing segregation between Jewish and non-Jewish communities. The Committee had also expressed its concerns regarding “[r]eports that the judiciary might handle cases of racial discrimination by applying different standards based on the alleged perpetrator’s ethnic or national origin”. In light of the submissions of the state parties as well as in light of the concluding observations of the Committee , the Committee is satisfied that the threshold of prima facie evidence of a generalized policy and practice that touch upon substantive issues under the Convention is fulfilled and consequently, the rule on exhaustion of domestic remedies does not apply.»

Avec cette décision du Comité CERD, la Palestine franchit la première étape (admissibilité) de sa communication, qui devra maintenant faire l’objet d’une décision ultérieure : la création d’une «commission de conciliation ad hoc«, prévue à l´article 12, paragraphe 1:

«a) Une fois que le Comité a obtenu et dépouillé tous les renseignements qu’il juge nécessaires, le Président désigne une Commission de conciliation ad hoc (ci-après dénommée la Commission) composée de cinq personnes qui peuvent ou non être membres du Comité. Les membres en sont désignés avec l’assentiment entier et unanime des parties au différend et la Commission met ses bons offices à la disposition des Etats intéressés, afin de parvenir à une solution amiable de la question, fondée sur le respect de la présente Convention.

b) Si les Etats parties au différend ne parviennent pas à une entente sur tout ou partie de la composition de la Commission dans un délai de trois mois, les membres de la Commission qui n’ont pas l’assentiment des Etats parties au différend sont élus au scrutin secret parmi les membres du Comité, à la majorité des deux tiers des membres du Comité.

2. Les membres de la Commission siègent à titre individuel. Ils ne doivent pas être ressortissants de l’un des Etats parties au différend ni d’un Etat qui n’est pas partie à la présente Convention«.

Contexte et perspectives de cette décision du CERD

On peut penser que le Président du Comité CERD devra recourir  aux dispositions prévues en cas d’absence d’accord entre les deux Etats concernant la composition de ladite commission de conciliation ad hoc, vu l´attitude d´hostilité et de défiance de la diplomatie israélienne pour tout ce qui concerne les organes des Nations Unies en matière de droits de l´homme.  Dans un communiqué de presse du 3 mai 2021, la Mission auprès des Nations Unies d´Israël à Genève a d´ailleurs jugé utile (et opportun) d´indiquer (voir texte complet) que :

«The Committee has decided to apply a separate standard to Israel, and disregard both facts and law to reach a predetermined and agenda driven conclusion. In light of the Committee’s shameless and biased decision, it is clear that Israel cannot expect to receive fair and non-discriminatory treatment from this body, and will conduct its relations with it accordingly. Israel will maintain its enduring commitment to elimination of all forms of racism, and will ensure that its robust, independent and world renowned legal system will continue to provide avenues for redress for legitimate grievances in accordance with the rule of law.»

Cette décision du Comité CERD intervient après la publication d´un volumineux rapport (213 pages) le 27 avril 2021, par l´ONG Human Rights Watch concernant le régime d´apartheid en vigueur en Israel (voir texte de son rapport intitulé «A threshold crossed. Israeli Authorities and the Crime of Apartheid and Persecution» et communiqué de presse de HRW).

On notera que ce rapport a été précédé par un autre similaire provenant cette fois de l´ONG israélienne B´Tselem, rendu public au mois de janvier 2021, intitulé «A regime of Jewish supremacy from the Jordan River to the Mediterranean Sea: This is apartheid» (voir texte complet) et d´un autre rapport publié en juillet 2020 para l´ONG israélienne Yesh-Din (voir document intitulé «The Occupation of the West Bank and the Crime of Apartheid: Legal Opinion«).

Plus généralement, le Comité CERD vient conforter en  cette année 2021, les efforts de la diplomatie palestinienne qui, depuis 2018, a recours aux différents mécanismes qu’offre le droit international public à tout Etat afin de mener un autre Etat à respecter ses engagements internationaux. La décision de la Chambre préliminaire de la Cour Pénale Internationale (CPI) du 5 février dernier – dont nous avons analysé le contenu (Note  3) et dont la portée, les contours et les perspectives qu´elle offre ont été analysées avec des juristes francophones lors d´un récent webinar (voir note de l´AURDIP) – s’inscrit dans cette même démarche.

Une démarche de l´Etat palestinien en faveur du respect du droit international public, des obligations internationales contenues dans des instruments des Nations Unies, et qui devait être largement saluée par la communauté internationale et par ses membres dans son ensemble.

—Notes—

Note 1:  Nous renvoyons nos lecteurs à la déclaration envoyée par le Canada concernant l´accession de la Palestine au Statut de Rome en 2015 (voir texte): sauf erreur de notre part, le Canada constitue le seul Etat à avoir présenté en 2015 une telle objection formelle.

Note 2: Cf. HAYASHI M. & SAKRAN S., «Palestine’s Accession to Multilateral Treaties: Effective Circumvention of the Statehood Question and its Consequences«, Journal of International Cooperation Studies, Vol. 25.I (2017), pp. 81-99, p. 88.  Texte complet de l´article disponible ici.

Note 3: Cf. BOEGLIN N.«Palestine / Cour Pénale Internationale (CPI) : brève mise en perspective concernant la décision récente de la Chambre Préliminaire«, Le MondeduDroit, section Décryptages, édition du 24 février 2021, disponible ici. Un version a aussi été publiée par le Réseau International des Droits Humains, disponible ici.

Ce texte a été rédigé par Nicolas Boeglin, Professeur de Droit International Public, Faculté de Droit, Université du Costa Rica (UCR)

Image obtenue de https://bit.ly/2SB58Aa

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